Ces médecins qui ne se permettent pas de prendre leur retraite : choix ou nécessité

Le système de santé est en crise : déserts médicaux, urgences débordées, une incessante situation qui empêche les médecins éligibles à la retraite de faire tomber la blouse.

« Comme il y a une pénurie, ça permet d’aider la société un peu plus longtemps, s’il y avait trop de médecins ou des médecins au chômage, forcément on arrêterait pour leur laisser la place » explique le Dr Rabbata. Photo : La Provence

De plus en plus de médecins en France choisissent de prolonger leur activité professionnelle au-delà de l’âge légal de la retraite. Selon la Dress (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), l’âge moyen de départ à la retraite chez les médecins était de 67 ans en 2021.

« Personnellement, je continue parce que je suis en bonne santé et que j’aime mon métier. Cela me permet de continuer à suivre mes patients auxquels je me suis d’ailleurs attaché avec le temps », explique le Dr Rabbata.

En 2018, 20% des médecins âgés de 70 à 79 ans étaient encore actifs, un chiffre qui ne cesse d’augmenter. Selon la Cnom (le Conseil National de l’Ordre des médecins), la moyenne d’âge des médecins tous secteurs confondus est d’ailleurs de 50 ans, marquant un vieillissement important de la profession.

Moins de médecins, moins de retraites 

D’après la Dress, un tiers des communes françaises peut être considéré comme des déserts médicaux. Fin 2016, le taux de croissance des effectifs était de seulement
0,3 %, une situation aberrante pour les soignants.

La Drees prévoit par ailleurs une stagnation des effectifs jusqu’à l’horizon 2030. « Pour former un généraliste, c’est une dizaine d’années donc même lorsque l’on ouvre des places à la faculté de médecine, les former ça prend du temps. Même si des jeunes médecins arrivent, la démographie ne change pas, car, en parallèle, il y a des médecins qui partent en retraite », explique Dr Rabbata. 

« Il y a des médecins qui sont dans des cabinets dans les petits villages et qui savent qu’ils n’auront pas de remplaçant s’ils partent en retraite et qui continuent donc de travailler pour ne pas délaisser ceux qui ont besoin d’eux », précise-t-il.

Quand on aime, on ne compte pas

Pour les médecins, travailler dans leur profession est souvent plus qu’un simple moyen de gagner leur vie, c’est une véritable vocation. Ils ont choisi de consacrer leur vie à aider les autres malgré des études longues et difficiles, et il arrive qu’ils ne se sentent pas prêts à abandonner cette voie lorsqu’ils atteignent l’âge de la retraite.

« À l’âge normal de la retraite, je n’étais pas tout à fait prêt psychologiquement, c’est une mise en reclus. On a aussi accumulé une certaine expérience avec l’âge et je trouverai ça un peu malheureux d’en perdre les bénéfices », explique le Dr Thiriot chef de service à l’hôpital d’Hazebrouck âgé de 68 ans. 

Après avoir pris l’habitude d’un rythme effréné de 55h en moyenne par semaine, et des années de travail, il semble difficile de lâcher prise. « On peut avoir l’impression que si on part, tout coule. C’est une responsabilité, quand on aide un service pendant près de 30 ans, on continue peu importe l’âge à vouloir assurer sa continuité », souligne-t-il.

Au lieu d’accepter un repos bien mérité, cette volonté de travailler pour le bien des patients semble faire l’unanimité dans le métier comme le confirme le Dr Rabbata.
« Quand on est dans un hôpital où il y a 5 médecins dans un service au lieu de 10, on ne peut pas se permettre de partir. On est consciencieux et on veut assurer la continuité des soins ».